Résumé
La néologie lexicale berbère est une néologie de fait accompli. Un demi-siècle de néologie pour que soit possible l'aménagement du lexique berbère. Les données internes font culminer encore plus haut les difficultés : une langue essentiellement orale éparpillée en lambeaux sur une dizaine de pays, des écarts creusés par l'histoire, des études expatriées et un fonds documentaire lacunaire et peu accessible. Les néologues berbères viennent déposer une ambition inexprimée mais implicite : faire de la langue berbère une langue comme les autres. Les moyens modernes de communication, l'école et les intégrations nationales ont en effet rendu caducs les paravents traditionnels qui ont relativement protégé la langue, la culture et l'identité de façon générale. Pour les réformateurs berbères, l'urgence était en particulier de stopper la déperdition lexicale et un emprunt envahissant et de soigner le lexique de la langue en y injectant des néologismes. Ce travail d'innovation lexicale prolonge celui déjà entrepris depuis le 19ème siècle par les précurseurs. Au niveau des matériaux linguistiques, le touareg de l'Ahaggar est investi par les néologues d'une mission de purification lexicale destinée à prendre une revanche sur l'histoire. Globalement, les procédures de création lexicale utilisées sont rivées au noyau dur et sécurisant de la synthématique berbère, la dérivation nominale. L'aménagement du lexique berbère est dans les faits une vaste opération de traduction à partir du français. Mais un certain calque à partir des langues étrangères est sans doute un mal nécessaire inévitable dans la pratique. Pressenti comme instrument de résorption des écarts entre les dialectes, l'aménagement du lexique berbère n'a pas produit concrètement les résultats escomptés et gagnerait à faire l'objet d'un bilan général. Des structures maghrébines, nationales ou sectorielles pourraient canaliser les travaux et assureraient un nouveau départ sur des bases plus solides.