Le 5 Juillet 1962 n’est pas une date comme les autres. Ceux qui lisent bien l’histoire et ceux qui ont eu à visiter et à découvrir l’immensité de notre pays et ses richesses doivent s’émerveiller devant l’exploit et le miracle accomplis par les martyrs de la guerre de Libération nationale et les vaillants révolutionnaires.

Libérer un territoire de la taille de l’Algérie, l’équivalent de la superficie de l’Europe de l’Ouest, n’est pas rien. Les Algériens ont fait une grande révolution contre le colonialisme, incontestablement le plus grand mouvement libérateur du XXe siècle.
Il fallait de la détermination, du courage, de la volonté et de l’intelligence. Mohamed Belouizdad, Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem, Mustapha Benboulaïd, Ziroud Youcef, Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad, Amirouche, Si El Haouès, Ali La Pointe, Djamila Bouhired en avaient assurément. Sinon ils n’auraient pas pu défier la puissance coloniale qu’était la France. Aujourd’hui, il faut leur rendre hommage, célébrer tous ceux qui ont donné leur vie pour que l’Algérie vive.
Et aussi nous inspirer du sens de leur combat, de leur honneur, de leur dignité et de leur courage.
C’est le sens de la célébration qui devait être donné au 5 Juillet, date anniversaire de l’indépendance du pays. Mais hélas, les images de jeudi dernier nous renvoient honteusement à une époque qu’aucun Algérien ne souhaite revoir. La plus hideuse est assurément celle qui nous est parvenue du boulevard Ziroud Youcef, où des responsables algériens se prosternent religieusement devant un poster à l’effigie du président Abdelaziz Bouteflika.
L’image est parlante, elle montre la symbolique d’un pays figé, un pays dans une impasse structurelle qui a manqué son rendez-vous avec l’histoire ; celle du développement et de la construction, le rêve d’une nation possédant pourtant des atouts que beaucoup de peuples n’ont pas eu la chance d’avoir.
Cette année, la propagande officielle a peu évoqué la fête de la jeunesse célébrée concomitamment avec le jour de l’indépendance. Un signe qui ne trompe pas. La jeunesse lui fait visiblement peur. La gérontocratie ne veut pas d’un autre rythme pour l’Algérie. Elle veut lui imposer le sien, pour maintenir aux commandes un personnel qui n’a d’ambition que ses propres intérêts, ceux de sa progéniture, nous l’avons vu, introduite dans les rouages du pouvoir et de l’affairisme prédateurs, et impliquée dans tous les scandales qui ont éclaboussé la «gouvernance» de Abdelaziz Bouteflika.
C’est attristant de laisser en l’état un pays qui a marqué en lettres d’or l’histoire du XXe siècle et de la décolonisation. C’est affligeant de penser que la «continuité», c’est-à-dire le mortel statu quo, soit la seule voie, une sombre perspective qu’on propose à une nation qui peut puiser dans sa jeunesse des alternatives viables, et des projets capables de la remettre dans le chemin d’un développement sain, et de la liberté. C’est malheureusement dans ce contexte qu’intervient le 56e anniversaire de l’indépendance. Dénoncer ce qu’on a pu faire de l’Algérie, arrachée avec beaucoup de sacrifices des mains du colonialisme, c’est rester un peu fidèle à la mémoire de nos martyrs et tous ceux qui ont combattu pour sa libération.

«Si nous venons à mourir, défendez nos mémoires», disait Didouche Mourad. Alors faisons-le !
https://www.elwatan.com/chroniques/edito/quavez-vous-fait-de-lalgerie-07-07-2018