S'il est un départ unanimement regretté, c'est bien celui de M. Paul Cianfarini, directeur de l'école de Djenan, pour Djidjelli. Vendredi 21 Août 1925, grande affluence vers son école. Élèves et parents, camarades et amis, venaient exprimer leurs sentiments d'affection et de reconnaissance à ce bon maître, à cet homme de bien qui s'est dépensé sans compter et qui a su mener — ses nombreux succès au C. Ë. P. et aux bourses C. C. le prouvent — son œuvre à bien. Scène touchante dans sa simplicité ! Tour à tour, chaque assistant lui serre la main avec quelques mots sincères qui vont droit au cœur. «Merci de nous avoir instruits, éduqués et soignés... Nous vous remercions de nous avoir conseillés, guidés, améliorés... Vous nous avez réchauffés, vivifiés, honorés par votre sympathie cordiale ; notre reconnaissance est infinie », lui dit-on en substance. « Que la bénédiction du ciel s'étende sur loi, sur tes enfants et sur ta dame.

 

Elle a soigné et guéri mon petit-fils malade ; elle n'a pas hésité à le laver dans la baignoire de ton propre enfant» sanglote une vieille femme, une larme au coin de chaque œil presque éteint. Dût sa grande modestie en souffrir, nous dirons en effet que Mme Cianfarini joint, aux talents d'une excellente éducatrice, les qualités d'une véritable sœur de charité. L'émotion est alors à son comble ; et les larmes de couler... Et dire que certains, pour n'avoir pas su  trouver le cœur de nos Indigènes, vont jusqu'à leur contester tout bon sentiment ! Tout autre est M. Paul Cianfarini. Psychologue averti, il a de bonne heure pénétré l'âme arabo-berbère. Faisant, dans les défauts des Indigènes, ,1a part de l'ignorance et des préjugés séculaires, il croit fermement à leur évolution et à leur assimilation progressive, par l'instruction, le travail, la justice et accomplit sa lâche d'éducateur, oeuvre humanitaire et patriotique, de toute son âme d'apôtre. « C'est un fanatique de sa mission ».

 

D'où ces regrets sincères, cette explosion de sympathie, cette affection mêlée de respect. La population européenne de Sidi-Aïch devait, de concert avec ses collègues et les notables indigènes du douar, offrir le dimanche, à 6 heures du soir, un apéritif d'honneur au citoyen Cianfarani dont le courage civique est de notoriété dans toute la vallée ; mais, hélas ! cette manifestation, réglée dans ses moindres détails, ne put pas avoir lieu, au grand mécontentement de tous ses amis ; un fâcheux contretemps en est la cause. « Nous aurions voulu vous garder longtemps encore parmi nous ; mais les Djidjelliens ont plus de chance que nous », lui déclare le grand ami de l'école, Saïchi Salah, devant un groupe d'amis entourant l'auto malgré cette heure trop matinale. Avant de quitter son meilleur ami, M. Saïchi rappelle brièvement les qualités de cœur de M. Cianfarani, sa haine de l'oppression, sa pitié pour tout ce qui souffre, sa bonté évangélique, son dévouement jusqu'au sacrifice et son attitude si digne et si courageuse en de pénibles circonstances où, seules les belles âmes osent s'affirmer. « Éducateur d'élite aimé de la population et des- chefs, ami incomparable, républicain éprouvé, homme dans toute l'acception du mot, vous pouvez être fier de votre œuvre à la Soummam. Votre nom est honoré par les Indigènes de notre région comme tous ceux qui surent ou qui savent les comprendre, les guider, les traiter avec justice et humanité et leur faire aimer, avec leur propre personne, la France qu'ils représentent et que nous chérissons tons. » "Brève réponse de M. Cianfarani ému. On s'embrasse, l'auto démarre, notre ami part laissant un grand vide autour de nous. Nos meilleurs vœux accompagnent Mme et M. Cianfarani   dans leur nouveau poste.

 

 

 

SID1-AICH Dans l'Enseignement  1925

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