
Mohand Sebkhi, l’agent de liaison de la
wilaya III, s’ est éteint.
Dès l’âge de 9 ans, il avait pris conscience de l’injustice, de l’exploitation et de la misère que subissait son pays sous le joug colonial. Ce combattant a vécu dans l’anonymat , tels beaucoup de grands révolutionnaires, qui avaient préféré leur retrait que se salir les mains de la boue débordant . Il a vécu dans l’ombre si ce n’était son ouvrage
« Souvenirs d’un rescapé de la Wilaya 3 » paru en octobre 2014 aux éditions Barzakh, préfacé par monsieur Daho Djerbal, enseignant d’histoire contemporaine à l’université d’Alger et chercheur, qui a pu retracer la mémoire intacte de ce jeune rescapé.
Dans son ouvrage, le narrateur est un agent de liaison de la wilaya III, qui prend la parole et relate son enfance dans les montagnes des Ath Waghlis , son quotidien puis sa précoce prise de conscience de l’injustice subie et où il met en valeur son engagement, dès l’âge de 17 ans, dans la lutte de libération nationale.
Le lecteur s’impatiente pour suivre le déroulement des événements et reste curieux pour découvrir le dénouement , en relatant sa tentative solitaire et désespérée de rattraper le colonel Amirouche, en route pour la Tunisie, afin de lui transmettre un message qui l’aurait peut-être sauvé.
Terrifié est le lecteur, en lisant sa description minutieuse des faits, des sensations , des lieux et des comportements des Français en maltraitant les Algériens, il ne laisse pas indifférent son récepteur lorsqu’il décrit le lion du Djurdjura vu par lui ou par d’autres.
Il tente, tant bien que mal, transmettre le déroulement des faits dans leur pure nature, objectivement loin de toute falsification historique ou trucage technique.
Dans son œuvre il assure la transmission d’une mémoire commune sans aucun complexe exposant la grandeur et la lâcheté, la victoire et la défaite, l’héroïsme et la faiblesse et notamment la bravoure et la trahison en mettant l’accent sur cette dernière qualification surtout, lorsqu’il évoque la mort suspecte du colonel Amirouche.
Dda Mohand, comme aimait-il l’appeler, était animé de désir de vérité, de justice et de transparence, il s’imposait par son humilité et sa remarquable modestie.
« Son souci était de témoigner beaucoup plus pour s’acquitter d’une sorte de devoir moral et transmettre sa parole singulière de témoin d’une si sombre période. Il voulait parler de ceux qu’il avait côtoyés… ». « Il ne cherchait nullement à se mettre sur le devant d’une scène à la fois glorieuse et tragique ; il avait juste besoin de mettre des mots sur son vécu, de le verbaliser »
« La source orale parle, aussi, paradoxalement, par le silence qu’elle fait sur certains évènements. C’est dans le non-dit que gît, parfois, la pertinence du propos ». Disait Daho Djerbal de lui
Son parcours de moudjahid est aussi l’une de ses haltes dans son ouvrage, il tarde, dans sa narration, notamment sur sa première rencontre avec le colonel Amirouche après sa nomination à la tête de la wilaya III l’été 1957, les grandes qualités de cet homme tant vantées.
Selon lui, la mort de ce grand militaire n’a été ni claire ni logique, elle ne s’éloigne pas de cette trahison déjà signalée, selon lui.«Les colonels Amirouche et Si l’Haoues ont été vendus» a- t-il avoué , lors d’une rencontre organisée autour de son livre «Souvenirs d’un rescapé de la wilaya3, à Boumerdès en décembre 2014.«Personne ne savait ce qu’il allait faire en Tunisie avec le colonel Si El Houes. Avant de partir, il a tenu un discours devant les moudjahidine à Aït Ouabane lors duquel il a évoqué les risques qui menaçaient alors la Révolution en nous demandant de rester vigilants et de continuer le combat jusqu’au bout» ajouta-t-il.
Mr Sebkhi, le moudjahid, a donc, rangé ses dossiers, aujourd’hui, dès l’aube afin de rejoindre ces grands hommes, ses compagnons de lutte qui ont été arrachés pour que vive l’Algérie libre et indépendante et jusqu’à son dernier souffle, il niait toute histoire commune entre l’Algérie et la France, rien ne liait les deux pays« l’histoire de la France coloniale et l’histoire de l’Algérie colonisée » criait-il sans cesse.Qu’il repose au paradis, le monde de justice et de paix.
Wahiba Arbouche Messaci /BéjaiaNews