A partir de ce moment l’étendard de la résistance est remis à son frère Bou Mezrag El Mokrani.

Bien entendu Cheikh Aziz rejeta cette nouvelle situation briguant la direction de la résistance surtout qu’il était l’une des personnalités les plus éminentes autour de laquelle s’étaient regroupés les frères de la Rahmania.

Cependant la situation était tellement maîtrisée par Bou Mezrag que Cheikh Aziz s’empressa de demander la reddition.

Bou Mezrag « Khouni[1] » de vocation possédait déjà une grande influence et il est fort probable que c’est lui qui fit pression sur son frère Mohamed El Mokrani pour l’emmener à prendre les armes même s’il aurait échoué sans l’apport de Cheikh El Haddad de Seddouk.

Pendant quelque temps on chercha à cacher la mort de Mohamed El Mokrani et faire croire qu’il était allé ramener des renforts.

Si Ali Ben Aoud de SENHADJA écrivit même des lettres aux tribus de la vallée de la Soummam pour les tranquilliser et démentir toutes nouvelles de sa mort.

Plus tard, Bou Mezrag préféra annoncer lui-même la mort de son frère et faire connaître sa prise en main du mouvement à une population qui souffrait déjà d’une famine effroyable durant les années 1867,1868 et 1869 alors que l’administration n’a même pas essayé de venir en aide à ces «500 000«malheureux » qui périrent suite à la famine.

En dépit de cette situation l’armée coloniale continuait à les déposséder de leur bien et de leur terre qu’on remettait aux colons venus d'Alsace –Lorraine et du sud de la France.

On soumet même cette population au paiement d’amende dont le montant fut estimé à l’époque 36,5 millions francs.

Devant cette situation plus de 800 000 insurgés dans la Kabylie des Babors et des Bibans fournissaient plus de 200 000 Combattants pour riposter à l’armée coloniale.  

 

En dépit de cette constatation Bou Mezrag continuait la lutte dans la Soummam avec âpreté. Les troupes françaises quoique continuellement renforcées connurent partout de dures épreuves et perdirent beaucoup d’hommes aussi bien dans les rangs des soldats Français que dans celui des Harkis. Les généraux Lallemand, Saussier, Cérès durent déployer toutes leurs sciences militaires pour défendre leur position, attaquer celles des adversaires et venir à bout de petits groupes mal armés, mais très courageux, téméraires et décidés. Ils furent souvent étonnés de les voir battus là, surgir plus loin et reprendre le combat avec détermination. La puissance du feu et le nombre ne les effrayaient guère : Ils demeuraient à leur poste jusqu’à épuisement de leurs cartouches ou jusqu’à leur dernier souffle.

Ses meilleurs soutiens morts, ou découragés par les revers militaires soumis aux autorités d’occupation, la population écrasée par la répression, démunie de tous ses biens nécessaires à sa survie, la lâcheté des uns et la traîtrise des autres d’une part et la puissance ennemie de plus en plus grandissante, Bou Mezrag sentit la partie perdue songea à l’exil. Il quitta l’oued Soummam dans la nuit du 2 au 3 Octobre 1871 précédé de sa famille quelques jours avant. Celle-ci fut interceptée le 8 octobre prés de la Kelaa des Beni Hammad.

Ayant appris cela il s’enfonça vers le Sud.

 

Bou Mezrag avait permis le départ de ses compagnons pour détourner de son chemin les poursuivants, mais il fut moins heureux : épuisé en restant six jours sans boire ni manger, il fut ramassé évanoui à Rouissat au sud est de Ouargla par une patrouille française qui passait par la par hasard le 20 Janvier 1872. Transporté au camp du général de Lacroix il se fit connaître puis jeté en prison.

Le 26 Mars 1873 Il fut condamné à la peine capitale par la cour d’Assises de Constantine ; mais sa peine fut commuée à la déportation en nouvelle Calédonie en même temps que Ali et Mohand Amokrane Ou Kaci, si Mohand Ali Ou Sahnoun ; Ali Ameziane ou Kezzouz et si Mohand ou Braham qui furent également déporté à leur tour suivant la condamnation du tribunal de guerre de Blida.

Bou Mezrag sera gracié en janvier 1904, il fut ramené à Alger le 13 Juillet 1905 et mourut le 13 Juin 1906. Il est enterré au cimetière de Sidi M’hamed à Alger. 

Remarque :

 Le Général Lapasset disait : « On a semé la haine dans les villages et l’abime crée entre les colons et les indigènes serait un jour ou l’autre comblé par des cadavres ». 

 Il ne s’était pas trompé, il y eut une révolte plus tard d’El Amri en 1876, celle des Aurès en 1879 et celle du sud Oranais en 1881. 

 La présence Française devait inévitablement tôt ou tard disparaître pour laisser place aux propriétaires du pays dont les racines sont plongées profondément dans la terre depuis les temps immémoriaux. 

 Quel est le peuple qui a résisté et gardé sa personnalité et son identité après avoir subi tant d’invasions connus comme le peuple berbère ? 

 

 [1]   Khouni : ayant appris le coran par cœur

 

 

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